top of page
  • Photo du rédacteurRIK

Chroniques d' Ostermark Ch 13


Les ténèbres s’étendaient à perte de vue. Un vent cinglant la faisait trembler, son corps menu seulement couvert par une robe rapiécée. Les sanglots hachés d’une femme pouvaient se faire entendre au milieu des bourrasques glacées. Une angoisse profonde l’envahit alors que les cris stridents résonnaient autour d’elle. À tâtons, elle se dirigea vers la source du bruit en faisant attention à ne pas glisser sur les pavés humides. Au bout de quelques minutes, une lueur fit son apparition dans le lointain. Son pas se hâta. Ses pieds, nus, ripaient sur le sol. Plusieurs fois elle faillit s’affaler sur le sol, mais cela lui importait peu. Une angoisse profonde grandit au fur et à mesure qu’elle se rapprochait. Elle lui brûlait les viscères quand elle atteint enfin la source de la lumière, une cabane délabrée abandonnée au milieu du vide. Les cris venaient bien de la bâtisse et des ombres diffusaient par une lucarne encrassée. Elle était trop petite pour voir l’intérieur, mais elle savait ce qui allait arriver. La violence, amère et gratuite, suivit du sang, innocent. Les coups commencèrent à pleuvoir en un rythme inexorable. La fille se précipita sur la porte. Fermée, elle s’arcbouta sur le chambranle en pierre en poussant de toutes ses forces. Dans un craquement terrible, la poterne s’ouvrit. Un torrent vermillon vint la submerger la projetant au sol violemment. Le liquide âcre goûtait l’acier et collait à sa peau comme du goudron. Elle ouvrit la bouche, cherchant désespérément une bouffée d’air. Une main lourde se saisit de son visage, mêlant à horreur l’odeur lourde de la gnole passée.


« Tu vas rejoindre la salope qui te sert de mère ! »


La main l’entraîna toujours plus profondément alors que les pavés avaient laissé place à un gouffre sans fin. Elle ferma les yeux, plongée dans les ténèbres avec pour seule compagnie sa colère et sa haine.


« La mort ou la Renaissance, dans les deux cas le changement est la réponse »

Le sol était de nouveau palpable et toute trace de sang avait disparu, de même que la présence meurtrière de son père. Une brume épaisse l’entourait de toute part, mais cela lui offrit un réconfort inattendu, comme un baume froid sur une blessure.


« Se cacher n’est pas la même chose que de devenir invisible, viens et je te donnerai le pouvoir de te défendre quand tu seras révélé »


La voix suave venait d’une silhouette sombre. De son corps, seuls ses yeux étaient discernables. Deux opales irradiantes posées sur l’horizon. Deux gouffres bleus dont la fille ne pouvait détourner le regard. Son instinct lui criait tout entier de fuir, mais elle ne bougeait pas, captive de cette présence qui prenait tout l’espace.

Elle le sentait sonder son âme, un fer chauffé à rouge qui pénétrait sa boîte crânienne.

« Viens, abandonne ta souffrance, prends le contrôle, tu siégeras à la droite »

« Et qui sera à gauche ? »

« Quelqu’un que tu n’es pas prête à voir »

Le corps tremblant elle fit un pas, la main tendue vers l’avant. Son cœur lui brûlait la poitrine et la douleur dans son crâne augmentait crescendo.


« Non... Non... Non!! »


Cria-t-elle d’une voix qui n’était pas la sienne. Un coup violent la projeta en arrière, loin de l’être étrange, loin dans la brume qui l’enserra alors comme un cocon protecteur.


Lucia se réveilla en sursaut, le corps nimbé de sueur. Une douleur aiguë partie de ses tempes où elle se logea comme un insecte rampant sous sa peau. Elle maugréa de douleur alors que les limbes de son rêve récurrent s’effaçaient petit à petit de sa mémoire. Seule la douleur persisterait au final, et ce pour les heures à venir. Elle se leva en titubant et profita de la fraîcheur matinale sur sa peau nue. De longues minutes passèrent ou elle resta immobile tout en savourant la pénombre et le calme de l’aube. Un rayon de soleil filtra par les volets usés et vint lui chatouiller le nez. En soupirant elle s’activa enfin et ouvrit la fenêtre. Le bois buta sur la pierre brute en face et resta coincé ne s’ouvrant qu’à demi. Au dernier étage, les bâtisses de Beshafen étaient tellement rapprochées que l’on pouvait souvent passer le bras par la fenêtre du voisin. Ici toutefois un mur lui faisait face, et cela lui convenait tout autant. La chaleur commença à rentrer dans la pièce accompagnée de l’odeur nauséabonde qui remontait de la rue. Bien qu’habitué à froncer le nez dans Altdorf, la ville de Beshafen était sans commune mesure avec la capitale de l’Empire. Les rues étroites et denses étaient parcourues d’une foule innombrable qui ne faisait qu’accentuer la puissance des miasmes. Dès qu’elle avait passé les grandes murailles de granit noir voilà quelques semaines, elle avait détesté cette cité. La chambre de bonne dans laquelle elle logeait n’aidait pas non plus à s'en faire une opinion positive. Elle referma la fenêtre, son mal de crâne réveillé par les bruits naissants de la ville en éveille. Elle garda toutefois les volets ouverts pour profiter des quelques lumières qui filtraient par la mince ouverture. De sous le lit, elle tira un petit paquet contenant des vêtements propres. Elle enfila une culotte de cuir noir à la mode des cavaliers du Reikland qui soulignait parfaitement ses jambes minces ainsi que ses bottes usées par la marche qui remontait jusqu’au genou. Elle laça ensuite un corset qui mit en valeur sa taille fine, mais bien faite, ainsi que ses petits seins pommés. Par-dessus, une chemise gris-anthracite en soie semi-transparente évoquait sa féminité sans pour autant la rendre tapageuse. Elle s’assit sur un tabouret et s’attaqua au visage à l’aide d’un petit miroir posé sur la commode. Ses longs cheveux noir de jais furent maîtrisés à l’aide d’un chignon habile ce qui dévoila sa nuque fragile. Deux boucles d’oreille en argent mat vinrent encadrer un visage fin, une beauté discrète parsemée de tache de rousseur. Elle finit enfin son rituel matinal à l’aide d’une poudre noir sortie d’un petit pot en bois qu’elle appliqua autour de ses grands yeux. La poudre de charbon, discrète, contrasta fort avec sa peau albâtre, tout en exacerbant son regard gris et orageux. Cela rehaussait son charmant regard bien qu'il gardait son timbre dur, propre aux gens de caractère d'acier. Il était encore tôt et il restait plusieurs heures avant son rendez-vous avec le capitaine de la garde, Sieur Lafayette. Toutefois elle décida de prendre ses affaires pour aller se promener. Elle s’équipa d’une gibecière en tissu dans laquelle elle glissa dans une doublure cachée un petit livre rapiécé usé par le temps. Elle ceint une dague en acier à sa ceinture et enfin accrocha dans son dos à l’aide de deux cordes en cuir un grand bâton en sapin dont la tête de fer forgé servait autant pour la marche que le combat.

La rue était plongée dans la pénombre. D’ici le ciel n’était qu’une fine ligne entre les murs massifs des immeubles. Elle marcha vivement en faisant attention à ne pas glisser sur les salissures présentes en grands nombres sur le sol. Des vendeurs à la sauvette l’abordèrent à plusieurs reprises qu’elle écarta d’un regard mauvais et d’un geste de la main. Elle décida de prendre les grandes avenues, plus bondées, mais aussi plus sûres, comparées aux coupe-gorge des ruelles les plus étroites. Elle quitta le quartier de la Traverse pour rejoindre la Reikplatz et le temple de Shallya. Un des rares espaces libres de la ville commençait à être envahi d’estrade en bois destiné à accueillir les pèlerins venus pour la cérémonie de la guérison. Des étendards aux cœurs saignants et à la colombe au laurier fleurissaient à chaque coin de rue. Lucia continua à l’Est en direction du district militaire. Elle s’arrêta seulement pour prendre une tourte chaude à une grand-mère Halfeling qui avait monté son échoppe sous une arche fleurie. Elle arriva enfin sur le terrain des manœuvres. Un grand espace de terre battue surplombé par la forteresse du comte électeur Wolfram Hertwig. Elle s’assit sur un banc à l’ombre d’un peuplier pour déguster sa gourmandise. Déjà les troupes régulières de l’armée étaient à l’exercice. Un défilé de cuirasses lustré et d’uniforme rutilant en ordre serré se mit en place. Instinctivement elle récita les fonctions de chaque corps d’infanterie qu'elle finit d'énoncer alors qu'elle avalait sa dernière bouchée. Un groupe s’était formé, visiblement un duel à l’épée se mettait en place entre les sergents de deux escouades de bretteur différentes. Rapidement, les étincelles volèrent alors que les coups rapide et précis provoquaient des cris d’excitation chez les spectateurs. Les deux hommes se valaient et méritaient leur titre, alors qu’il mettait en œuvre leurs bottes les plus compliquées pour tenter de prendre le dessus. Enfin, le plus âgé réussit une touche au poitrail à l’aide d’une feinte bien sentie sur le flanc droit. Le vainqueur fut acclamé par sa petite troupe puis tout le monde se félicita, car le combat avait été serré jusqu’à la fin. Lucia se prêtât à sourire, fière de ses hommes et femmes qui représentait l’énergie vive de l’empire.

« Que Sigmar et l’Empereur vous protègent aussi bien que vous gardez l’Empire » pria-t-elle doucement.

Enfin il fut l’heure. Elle contourna l’attroupement et se dirigea vers un grand bâtiment en pierre grise. Le poste général de garde était massif, une casemate à lui seul. La grande porte était bardée de deux statues. Verena à droite l’observait de son regard sévère tandis que Sigmar à gauche brandissait son marteau dans une posture vengeresse. Quelques secondes de contemplation leur furent accordées avant qu'elle ne s'engage dans le vestibule. Elle fut accueillie par un clerc qui s’occupait des tâches administratives.

- « Bonjour, mademoiselle, quelles affaires vous amènent? »

- « Bonjour, je dois voir Sieur Lafayette, il m’a convoqué pour midi »

Le clerc haussa les sourcils surpris

- « Avez-vous un cachet? »

Lucia sortit une lettre pliée que le clerc lut avec attention.

- « Je vois… suivez-moi je vous pris »

Il laissa ses affaires sur le bureau et intima à la jeune femme de le suivre. Ils quittèrent le vestibule pour monter plusieurs volées d’escaliers en bois massif. Arrivés au dernier étage, ils continuèrent en traversant un long couloir au parquet parfaitement ciré. Au bout, une porte gardée par deux épéistes en uniforme impeccable. Des lettres d’or indiquaient le propriétaire des lieux. Le scribe annonça la venue de Lucia puis la laissa patienter debout, devant la porte. Elle ne savait pas à quoi s’attendre, mais bizarrement son cœur battait à la chamade, tandis qu’une boule d’angoisse lui prenait le ventre. Après tout elle ne connaissait rien de cet homme, si ce n’est qu’elle lui avait été recommandée par son maître. Elle avait alors reçu cette lettre l’intimant de venir à Beshafen pour l’aider dans un travail « particulier ».

- « Particulier... particulier... n’y a-t-il pas plus particulier que la vie de mage gris dans l’Empire ?» pensa-t-elle.

Une voix douce se fit entendre provoquant un frisson dans son dos.

- « Entrez Lucia, je vous attendais.»




66 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page